L’impact du sans-abrisme sur la santé mentale des enfants

Malgré les politiques publiques déployées et renforcées ces dernières décennies, l’accès à l’hébergement et au logement s’apparente toujours un parcours du combattant pour les personnes les plus précaires. Ces familles, et donc leurs enfants, sont maintenus dans une précarité résidentielle, ce qui ne permet pas de promouvoir ni de protéger la santé des enfants, en particulier leur santé mentale.

Dans un rapport paru en septembre 2022, l’Unicef France et le Samu Social de Paris alertent sur le fait que « vivre à la rue ou dans des chambres d’hôtel insalubres et exiguës entraîne d’inquiétantes conséquences sur la santé mentale des enfants… ». En outre, Bruno FALISSARD, pédopsychiatre qui a apporté son expertise aux auteurs du rapport, déclarait : parmi ces mineurs, « une petite minorité sont des résilients qui en sortiront grandis, mais la majorité va en payer les pots cassés ».

L’absence de domicile fixe et son impact sur l’environnement des enfants

La reconnaissance et la prise en charge des problèmes de santé mentale des enfants restent globalement limitées sinon insuffisantes. Compte tenu des difficultés que rencontre la pédopsychiatrie française, les enfants sans-domicile sont davantage fragilisés. Par ailleurs, les mesures à destination des populations sans-domicile ne prennent pas en compte les besoins spécifiques des enfants.

En amont des soins, la prévention primaire des troubles de la santé mentale passe par le maintien des conditions favorables au bien-être et à la sécurisation des enfants. Le logement est donc un préalable de sécurisation indispensable afin d’apporter à l’enfant une certaine stabilité et sécurité dans son environnement, diminuant ainsi le risque de développer des troubles de la santé mentale.

L’absence de domicile fixe affecte l’évolution de l’enfant au sein des différents environnements dans lesquels il évolue : familial, scolaire, social et amical. Cela confronte l’enfant à des conditions de vie dégradées, mêlant nuisances, insalubrité, exiguïté, insécurité, manque de commodités, qui vont ainsi engendrer d’importantes répercussions sur sa santé physique et mentale à court et moyen termes, mais aussi sur le long terme, affectant sa vie de futur adulte. Cela peut entraîner un état de mal-être qui perturbe les relations aux autres, l’estime de soi, le sommeil, l’alimentation, le niveau de stress ou encore les résultats scolaires. D’après l’enquête Enfams réalisée par l’Observatoire du Samu social de Paris en 2013 auprès des familles sans-domicile, 19,2% des troubles suspectés de la santé mentale globale étaient plus fréquents chez les enfants sans-domicile.

Dans ce contexte déjà difficile, les enfants sans domicile sont en plus confrontés à des obstacles supplémentaires d’accès et de maintien dans les soins impliquant une discontinuité dans les parcours de santé, mais aussi l’impossibilité de recourir aux alternatives de soins dans le secteur privé, car trop coûteuses.

Situation dans le Val-d’Oise : les demandes non pourvues (DNP) par le 115 dans le département et le dispositif spécifique « ASE »

Afin de répondre au sans-abrisme des familles et donc des enfants, un dispositif spécifique de prise en charge au 115 existe depuis décembre 2016 dans le Val-d’Oise : le dispositif « ASE » (Aide Sociale à l’Enfance). Ce dispositif vise à mettre à l’abri à l’hôtel via le 115 les femmes enceintes et les mères isolées ayant des enfants de moins de trois ans qui ont un besoin de soutien matériel et psychologique, identifiées par le Conseil Départemental. Cela permet donc d’assurer la protection et la mise à l’abri de ces publics identifiés comme particulièrement fragiles et vulnérables.

Malheureusement, au vu des critères du dispositif ASE, une partie des familles reste sans solution sur le département, on parle de « demandes non pourvues » ou DNP. Concrètement, il s’agit des personnes sans solution d’hébergement qui parviennent à joindre le 115 mais qui n’obtiennent pas de place à l’issue de leur appel – les chiffres ne comprennent donc pas les personnes en demande de mise à l’abri ne parvenant pas à joindre le 115.

Parmi les familles en DNP sur le département, l’immense majorité d’entre elles explique n’avoir aucune solution et dormir à la rue.

Si nous constatons une baisse du nombre de DNP sur cette période, il convient de noter que le nombre de familles en DNP est en augmentation depuis plusieurs années, et croît bien plus vite pour les familles que pour les personnes isolées.

Face à cette tendance à la hausse, les fluctuations que l’on peut noter sur certaines périodes s’expliquent par le fait que les familles bénéficient davantage des prises en charge pendant les périodes de hautes turbulences : Covid-19, grand froid etc….

Quelles pistes pour une meilleure prise en charge de la santé mentale des enfants sans-domicile ?

Face à cette situation alarmante, plusieurs préconisations ont pu être identifiées par des associations spécialisées, notamment dans le rapport de l’Unicef / Samu Social de Paris précité. La plupart a une visée globale et dépend de la mise en place de politiques publiques ambitieuses. Nous avons choisi de vous en exposer quelques-unes qui pourraient potentiellement être prises en compte dans nos pratiques professionnelles dès à présent :

✔️ s’assurer de la présence d’un référent en santé mentale qui soit formé à ces enjeux dans chaque école ;

✔️ encourager le développement d’actions de prévention et de sensibilisation hors les murs, visant à aller vers les familles sans-domicile via des équipes mobiles adaptées aux besoins des enfants ;

✔️ favoriser la transversalité et l’interconnaissance entre le secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion et celui de la santé mentale et de la pédiatrie.

SOURCES :
  – Le Baromètre enfants à la rue publié en septembre 2022 par l’UNICEF France et Samu social de Paris ;
  – Wresinski J., Grande pauvreté et précarité économique et sociale. Conseil économique et social, 1987 ;
  – FEANTSA, Typologie européenne de l’exclusion liée au logement, 2007.

 

POUR ALLER + LOIN

Pour retrouver l’ensemble des préconisations, nous vous invitons à consulter la synthèse du rapport « GRANDIR SANS CHEZ-SOI » en cliquant ici.

Nous vous invitons également à consulter la liste de l’offre médico-sociale spécialisée sur la prise en charge des enfants ayant des troubles psychiques dans le Val-d’Oise, issue du « PROJET TERRITORIAL DE SANTÉ MANTALE DU VAL-D’OISE » publié par l’Agence Régionale de Santé et le Conseil Territorial de Santé du Val-d’Oise en décembre 2020.
Vous retrouverez ce document (la liste commence à la page 37), en cliquant ici.

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