Alors que la hausse des prix impacte depuis plusieurs mois le quotidien des Français, ses conséquences sur le pouvoir d’achat des populations défavorisées sont de plus en plus inquiétantes.
Avec un revenu souvent largement consacré aux charges fixes (loyer, énergie…), les plus défavorisés n’ont d’autres choix pour faire face à l’inflation que de réduire leurs dépenses alimentaires en modifiant leurs habitudes de consommation (suppression des produits frais – fruits, légumes, viande) au profit des conserves et autres produits transformés, achat de produits 1er prix, réduction des quantités …) et/ou en sollicitant les organismes d’aide alimentaire.
L’enquête « Consommation et modes de vie » (1) publiée en mai 2023, montre que la hausse de la précarité alimentaire s’est accélérée au second semestre 2022 : la part des Français déclarant ne pas manger assez est passée de 10% en juillet 2021 à 16 % en novembre 2022. « Les personnes concernées cumulent souvent d’autres formes de fragilités, notamment vis-à-vis de leur santé ou de leur logement. On retrouve parmi elles des personnes dont les difficultés ont déjà pu être mises en évidence : les femmes, les plus jeunes, les personnes au chômage, et, d’une façon générale, celles aux plus faibles revenus ».
Cette augmentation de la demande d’aide alimentaire est constatée par l’ensemble des acteurs du secteur et touche désormais des ménages à revenus « moyens » ayant basculés dans la précarité alimentaire.
PASH 95
Aides alimentaires : quelle solution pour cet été ?
Si cette période est tant attendue pour certains, elle est redoutée pour d’autres. 1 170 ménages mis à l’abri à l’hôtel sont accompagnés par la PASH. Plus de la moitié est dépourvue de ressource ou ne vit qu’avec 3 € par jour et par personne.
Ce qui représente 1 957 personnes dont 1 067 enfants.
Ce volume très important ne cesse d’augmenter et induit une pression sur les centres de distribution alimentaire ou les épiceries sociales qui sont souvent les seuls à aider ces familles sur le volet alimentaire.
Les travailleurs sociaux orientent tout au long de l’année mais constatent depuis plusieurs mois que les colis délivrés ne couvrent plus suffisamment les besoins des familles. À cela s’ajoutent durant l’été les fermetures des points de distribution qui peuvent s’étendre sur 10 semaines. Cette pause estivale nécessaire au repos des bénévoles œuvrant toute l’année est source d’angoisse pour les ménages, d’autant que les enfants seront en vacances dès le 8 juillet et que les demi-pensionnaires ne profiteront plus de la cantine.
Les travailleurs sociaux alertent depuis plusieurs mois quant à la pénurie des aides durant l’été, craignant ne pouvoir orienter et apporter des réponses favorables à ces familles en détresse alimentaire.
RESTOS DU CŒUR
Les Restaurants du Cœur du Val-d’Oise font face à une demande d’aide alimentaire de plus en plus importante et accueillent un nombre toujours plus important de familles démunies. Nous avions déjà enregistré une hausse des inscriptions de près de 20% lors de la dernière campagne d’hiver (novembre 2022 à mars 2023), comparée à la même période de l’année précédente. Le phénomène s’est accéléré depuis le mois de mars, avec une hausse cumulée de 30% sur les 4 derniers mois. Cette hausse des inscrits s’accompagne d’une hausse de la fréquentation (personnes inscrites qui viennent effectivement chaque semaine) : ainsi, le nombre de repas distribués sur les 4 derniers mois est de plus de 35% supérieur à celui de l’an dernier.
Les conséquences pour Les Restos sont de plusieurs ordres : financiers bien sûr (la hausse du nombre de repas se combine à la hausse des prix de l’alimentation), mais aussi le temps passé par les bénévoles pour assurer la logistique et la distribution. Pour le moment, nous faisons face, mais nous anticipons des difficultés très importantes si ce phénomène perdure (ce qui est très probable).
BUS SOLIDAIRE/TIERS-LIEUX ALIMENTAIRES
Ces derniers mois au Bus Solidaire, nous sommes passés d’une moyenne de 50 collations par semaine à plus de 90 avec des pics avoisinants les 120 collations.
Au regard du contexte, l’aide alimentaire devient l’une des missions principales du Bus Solidaire qui, selon ses capacités limitées, tente de répondre à une demande de plus en plus pressante.
Le Bus Solidaire a pour cœur de cible les grands marginaux et touche également un public en errance résidentiel, qui ne fréquente pas ou plus les accueils de jour. Ces publics, bien loin d’un accompagnement classique, viennent avec la problématique principale de l’alimentation. Ils rencontrent de plus en plus de difficultés à se nourrir, leur minima social (bien souvent le RSA) ne leur permettant plus de s’alimenter à leur faim.
Le Tiers-lieu alimentaire mobile peut apparaître comme une réponse. Néanmoins, elle n’est que partielle car le dispositif ne concerne que les familles hébergées à l’hôtel via le 115. Par ailleurs, nous constatons également que ces familles ont de plus en plus de difficultés à apporter leurs denrées pour cuisiner, tel que le prévoit le fonctionnement. Le dispositif dépanne selon ses possibilités, mais ces dépannages sont de plus en plus fréquents et mettent en exergue une véritable problématique générale liée à la hausse des prix de l’alimentation.
ADJ MAISON DE LA SOLIDARITÉ – GONESSE
La Maison de la Solidarité est un accueil de jour titulaire d’un agrément préfectoral pour la distribution d’aide alimentaire. Nous sommes le seul accueil de jour dans l’Est du Val-d’Oise qui fournit un repas chaud aux usagers qui fréquentent la structure.
Nous nous approvisionnons auprès de la Banque alimentaire Paris Île-de-France (BAPIF) et collectons aussi des dons durant la collecte alimentaire nationale qui a lieu le dernier week-end du mois de novembre. Pour les produits qui nous manquent, nous nous approvisionnons directement auprès des grandes surfaces.
Durant la crise du COVID, la structure était moins fréquentée. Nous avons considéré cette baisse des sollicitations de l’accueil de jour comme liée à l’augmentation du nombre de prises en charge en hôtel des populations sans-abri ainsi qu’aux mesures successives de restriction des déplacements. Depuis le début de cette année, nous constatons une hausse de fréquentation de la structure tant par les personnes seules isolées, mais aussi par les familles avec enfants.
ADJ L’ENSEMBLE – CERGY
L’accueil de jour de L’Ensemble fait face à une augmentation accrue de sa fréquentation et donc des repas fournis au quotidien. Si la moyenne était d’environ 90 passages journaliers, le pic peut désormais atteindre les 150 passages.
L’accueil étant inconditionnel pour les personnes en situation de rue, le constat est assez simple à effectuer pour le public accueilli : tant pour les isolés que pour les familles, nous assistons à une véritable précarisation des personnes accueillies, qui ont de plus en plus de mal à se nourrir.
L’accueil de jour s’adapte et s’efforce de répondre à ce besoin. Mais limité financièrement, le service rencontre des difficultés à faire face à cette affluence. Il pallie et si besoin, réoriente vers les partenaires et structures œuvrant dans l’aide alimentaire.
* Enquête menée par le CRÉDOC en collaboration avec l’INRAE et l’Université de Bordeaux, consultable en cliquant ici.