L’équipe du SSD du Territoire Départemental d’Action Sociale d’Herblay-Sur-Seine a organisé le 17 octobre 2024 une journée de sensibilisation autour des violences au sein du couple : « Mieux se connaître pour agir auprès des personnes victimes de violences conjugales »
L’objectif de cette rencontre était de favoriser les échanges entre les professionnels intervenant auprès des personnes victimes de violences conjugales et de renforcer leurs connaissances sur ce phénomène, notamment au travers de deux axes :
✔️ les impacts psychologiques et comportementaux des victimes, co-victimes1 et agresseur, ainsi que leur prise en charge ;
✔️ les différents acteurs et dispositifs existants spécialisés dans la prise en charge des personnes victimes de violences conjugales dans le domaine juridique, du soin et de l’hébergement.
Cette journée a également été l’occasion de présenter le Pack Nouveau Départ (PND) déployé sur le département depuis bientôt un an, ainsi que l’aide universelle, et d’en faire un premier bilan.
Les rappels théoriques
- La victime
Les premiers intervenants ont apporté des éclairages théoriques sur les violences conjugales, en abordant son mécanisme et ses impacts sur les victimes et co-victimes. L’accent a été mis sur les dimensions psychologiques et comportementales chez les victimes. Ils ont également souligné qu’une relation d’emprise empêche le couple d’évoluer, faisant perdre à la victime son désir d’autonomie et l’entrainant dans un état de confusion.
« Le rôle du professionnel est d’aider la victime à mettre en mots ce qu’elle vit en s’appuyant sur le violentomètre. Il s’agit de lui faire prendre conscience de la situation à risque dans laquelle elle se trouve », a précisé Mme MACHU-POMMIER, conseillère conjugale PMI du CD 95. Ce processus de conscientisation peut prendre des années.
Le trouble de stress post traumatique (TSPT) est une des conséquences des violences conjugales, les symptômes apparaissent au minima plus d’un mois et jusqu’à plusieurs années après les faits. L’un des symptômes du TSPT est la dissociation : la personne se déconnecte émotionnellement pour ne pas réaliser ce qu’elle a vécu et donc éviter la mort psychique. « Lors d’auditions par exemple, certaines personnes, adultes ou enfants, n’expriment aucune émotion, et peuvent avoir des difficultés à relater la réalité des faits », a indiqué Mme CHAINE, psychologue de l’association Mon Ame Sœur.
Autres faits constatés dans les commissariats : « l’augmentation des violences réciproques, des femmes victimes depuis des années, se retrouvent à leur tour auteurs ; et le viol conjugal, qui est un sujet qui reste tabou du côté des femmes qui évoquent encore le devoir conjugal », a relevé Mme DAVI, intervenante sociale en commissariat.
2. L’agresseur
Le partenaire violent va toujours chercher à dominer l’autre par la peur, le contrôle permanent, la dépréciation et l’humiliation. Selon Madame ATTIGUI, coordinatrice de l’antenne pénale au de l’ARS 95, qui accompagne des auteurs placés sous-main de justice, la prise en charge de l’auteur, notamment lors de stage de responsabilisation, doit amener ce dernier à se poser des questions sur l’altérité (reconnaître l’autre en tant que tel), les faits reprochés et la responsabilisation.
Au cours de cette prise en charge des auteurs par l’ARS 95, un travail est également fait sur l’impact de la violence sur les enfants. Des instances de soutien à la parentalité peuvent être mis en place (sauf en cas de dangerosité et toujours dans l’intérêt supérieur de l’enfant) : parloir père/enfant, espace de rencontre médiatisée, entretien individuel avec chaque parent pour travailler la coparentalité.
3. La co-victime
La loi n°2024-233 du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes des violences intrafamiliales, reconnaît désormais le préjudice subi par l’enfant témoin de violences conjugales.
« L’enfant éprouve des peurs sans solution. Il active son système d’attachement mais aucune solution n’est proposée par sa figure d’attachement qui, prise dans une situation de violence, ne peut le sécuriser », a indiqué Mme GANZMANN, psychologue ASE, CD 95.
Au niveau des conséquences physiologiques et comportementales, l’enfant somatise (passages fréquents à l’infirmerie pour maux de ventre par exemple), et est très fatigué car impuissant face la situation. Il va également endosser un rôle (petit parent, confident, petit agresseur ou enfant modèle, …) car, faute d’aide extérieure, il recherche en lui-même les propres ressources pour se protéger, se sécuriser.
Les conséquences psychologiques sont variables en fonction de la victime mais non sans gravité : anxiété, trouble dépressif, hypervigilance, trouble du sommeil, déficit d’attention, hypersensibilité…
Les différents acteurs et dispositifs présents lors de cette journée
Lors de cette journée de sensibilisation, plusieurs partenaires sociaux étaient présents pour présenter les actions et/ou prises en charge destinées à l’accompagnement des victimes et co-victimes de violences conjugales et aux auteurs.
✔️ La MJD d’Ermont propose différentes permanences : consultations d’aide psychologique aux victimes du CIDFF et juridiques (1 avocat généraliste, 1 avocat spécialisé en droit du travail, 1 juriste CIDFF droit du travail, 1 notaire, 1 juriste ADIL). Prochainement, la MJD organisera des rencontres indirectes auteurs / victimes qui mettent en relation des auteurs et des victimes qui ne sont pas concernés par la même affaire et qui ne se connaissent pas.
✔️ Le bureau d’aide aux victimes du tribunal de Pontoise, où 4 juristes du CIDFF reçoivent toutes les victimes, même avant le dépôt de la plainte, pour les informer sur les procédures2 et leurs droits. Il évalue également les victimes qui ont besoin d’être protégées par la mise en place de mesures et dispositifs spécifiques : ordonnance de protection, téléphone Grave Danger, le bracelet anti rapprochement, … et peut instruire en urgence des demandes d’aide juridictionnelle pour organiser une ordonnance de protection.
✔️ L’ADIL 95 propose des consultations juridiques sur toutes problématiques liées au logement et à l’habitat et dispense des formations aux professionnels du secteur, notamment sur le thème des violences conjugales (conséquence de la séparation sur le logement, droit des victimes ,…).
✔️ La Clinique d’Orgemont accueille dans son hôpital de nuit (unité Mona Lisa) des femmes victimes de tout type de violences (intrafamiliales, violences au travail) pour un accompagnement par de la médiation thérapeutique afin de mieux gérer les symptômes de stress post traumatique : danse, sophrologie, relaxation, groupe de parole, espace bien-être (lit hydrojets, fauteuil de cohérence cardiaque, réalité virtuelle …).
✔️ L’hôpital de Pontoise propose des consultations pour lutter contre les violences : consultation de prévention de la santé de la femme afin d’aider à sortir des violences en favorisant une coordination dans le parcours de soin et consultation « sans réquisition » pour les personnes, hommes ou femmes, qui ne souhaitent pas déposer plainte (remise d’un certificat médical pour les démarches de séparation, de protection et/ou de plainte ultérieure).
✔️ Mon Ame Soeur propose un appui juridique et psychologique ainsi qu’une aide alimentaire, vestimentaire et matérielle. Les personnes suivies ont la possibilité de bénéficier d’ateliers proposés dans un centre de reconstruction (bien être, groupes de parole, recherche d’emploi, gestion du budget, …). Depuis peu, il existe également un centre de reconstruction dédié aux enfants (activités manuelles, jeux, expression corporelle, …)
D’autres acteurs, intervenant dans le domaine de l’hébergement, étaient également présents :
✔️ Action Logement : accompagne les femmes dans la recherche de solution de maintien dans le logement ou de relogement.
✔️ ESPERER 95 : gestionnaire de places alternatives à l’hôtel (ALTHO) et d’hébergements d’urgence dédiées aux personnes victimes de violences intrafamiliales.
✔️ APUI les Villageoises : gestionnaire de places allocation logement temporaire (ALT) dédiées spécifiquement aux femmes victimes de violences conjugales et d’hébergements d’urgence pour les personnes victimes de violences intrafamiliales.
✔️Un Abri qui Sauve des Vies qui est une association née d’un mouvement citoyen, qui propose des hébergements temporaires, chez des particuliers, aux personnes victimes de violences intrafamiliales.
Présentation par les équipes de la CAF et du SSD du Pack Nouveau départ (PND) et de l’aide d’urgence pour les victimes de violences conjugales (AVVC)
Le PND s’appuie sur l’existant, il fluidifie les dispositifs de droit commun. « C’est un outil de travail en réseau, un outil d’accélération des droits pour l’accompagnement social. »
Il s’adresse à toute personne souhaitant fuir des violences au sein de son foyer, résidant dans le Val-d’Oise et souhaitant maintenir son ancrage sur le territoire. Contrairement à l’aide d’urgence, il n’est pas nécessaire d’avoir déposé plainte (ou d’avoir une ordonnance de protection ou article 40 du CPP), ni d’être en situation régulière.
Le Circuit du PND :
1. les tiers détecteurs (CPAM, CIDFF, force de l’ordre, associations) s’engagent à envoyer des fiches de détections à la CAF ; cette dernière évalue la situation et en fonction, oriente vers un accompagnement des victimes de violences (CAF ou SSD) ou un autre accompagnement relevant du droit commun ;
2. la CAF et le SSD s’engagent à mettre en place un accompagnement social en utilisant des circuits privilégiés pour les ouvertures de droits et la mise en place d’un accompagnement juridique et judiciaire auprès des référents sectoriels (service prestations de la CAF, France Travail, CPAM, service des étrangers et service logement de la DDETS, 115,…
3. les référents sectoriels s’engagent à répondre aux sollicitations des référents sociaux de la CAF et du SSD.
Après presqu’un an d’existence sur le territoire, les professionnels du PND ont présenté un premier bilan de leur activité et des prises en charge réalisées.
Ainsi sur 501 situations détectées, 434 ont intégré le PND, 214 personnes ont été accompagnées par la CAF, 220 par le SSD et 13 situations sont en cours d’évaluation par la CAF. Sur les 434 personnes qui ont intégré le PND, 108 ont bénéficié de l’aide d’urgence pour les victimes de violences conjugales (AVVC). Cette aide, sous forme de subvention ou de prêt sans intérêt, est versée aux victimes afin qu’elles puissent quitter rapidement leur domicile et se mettre à l’abri.
Les problématiques généralement travaillées lors des accompagnements par le SSD sont l’accès aux droits (prestations familiales, droit au séjour) et aides financières (notamment pour l’alimentaire), l’accès à l’hébergement, au logement et la protection de l’enfance.
Sur l’ensemble des demandes d’intégration au PND, il y a eu 42 refus de prise en charge car hors critères : ménages qui vivent (ou qui ont un projet de vie) hors du département ou dont la situation est sécurisée (tout a été mis en place mais il perdure une situation d’intimidation ou de harcèlement).
Concernant les AVVC hors PND, il y a eu 567 bénéficiaires (549 subventions/18 prêts) pour un montant moyen de 896 euros (supérieur au montant moyen national).
En réunissant divers professionnels et acteurs du secteur social et médico-social, cet événement a permis de rappeler les mécanismes de la violence au sein du couple, tout en mettant en lumière les impacts dévastateurs sur les victimes et les co-victimes, notamment sur le plan psychologique et comportemental.
L’intervention des professionnels du Pack Nouveau Départ souligne la nécessaire approche coordonnée entre les différents dispositifs de soutien disponibles qui offrent un accompagnement essentiel pour les victimes.
Il est crucial de continuer à sensibiliser, former et interagir entre les différents acteurs afin de garantir une prise en charge adaptée et efficace. Seule une mobilisation collective permettra de briser le cycle de la violence et d’offrir aux victimes les ressources nécessaires pour retrouver leur autonomie et reconstruire leur vie.
POUR ALLER + LOIN
À découvrir le podcast Des hommes violents
Immersion avec douze hommes condamnés pour violences conjugales et contraints par la justice de participer à un groupe de parole pendant six mois. Déni, témoignages, paroles de victimes. Un podcast documentaire en 6 épisodes de Mathieu Palain.
À écouter ici.
1Statut accordé aux enfants dans la loi n° 2024-233 du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes des violences intrafamiliales
2Le bureau d’aide aux victimes peut par ailleurs informer la victime de l’état d’avancement de la procédure la concernant